Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le conseil d'Etat condamne encore le ministère de l'écologie sur la ruine imaginaire d'un moulin

Publié le 15 Janvier 2020

 
Le conseil d'Etat condamne encore le ministère de l'écologie sur la ruine imaginaire d'un moulin
Toujours les mêmes arguments, toujours le même résultat. Le ministère milite d’abord pour la suppression de « droits » avant de traiter d’écologie. Ce choix univoque est à nouveau sanctionné par la Haute juridiction condamnant encore l’Etat. Outrance administrative confinant à la provocation alors que cette même administration aspire en façade à une politique apaisée.

Pour en arriver à la juridiction suprême, il a obligatoirement fallu que le préfet, sous la plume de la DDT, s’obstine à nier et ne pas tenir compte des mémoires successifs du défendeur qui auraient dû éveiller son attention.
En outre les arguments issus d'une jurisprudence constante ne changent pas.
Qu’un technicien de DDT oriente le dossier sur une voie litigieuse, il est curieux de constater que sa hiérarchie confirme l’erreur manifeste d’appréciation initiale sans que cette obstination ne devienne pas très suspecte.

Pour un propriétaire n’ayant pas envie de se laisser spolier combien sont ceux, terrorisés par les courriers de la DDT, ayant purement et simplement abdiqué ? Combien sont ceux qui n’osent pas affronter le préfet au tribunal administratif parce que "cela ne se fait pas",  que cela pourrait être onéreux ou susceptible de représailles indéfinies diverses ?

La ruine d'ouvrage n'est pas caractérisée en cas d'absence d'entretien, de déjointements,  de brèches, de simple dépose de vannes, etc. Il faut que les éléments essentiels à la retenue et diversion de l'eau aient tous disparu et ne soient pas reconstituables par des travaux de consolidation ou restauration partielle.
 

Dans le cas jugé par le conseil d'Etat à la fin de l'année 2019, des propriétaires ont saisi le préfet de la Haute-Loire d’une demande de reconnaissance du droit de prise d’eau fondée en titre attaché au Moulin du Rocher, installé sur l' Holme, sur le territoire de la commune de Saint-Martin-de-Fugères. Le préfet a refusé au motif d' un prétendu état de ruine de l'ouvrage.

Les conseillers rappellent d'abord la doctrine du droit d'eau établie depuis plusieurs décennies, ce que le ministère et les services déconcentrés n'ignorent pas :

"La force motrice produite par l’écoulement d’eaux courantes ne peut faire l’objet que d’un droit d’usage et en aucun cas d’un droit de propriété. Il en résulte qu’un droit fondé en titre ne se perd que lorsque la force motrice du cours d’eau n’est plus susceptible d’être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d’affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d’eau. Ni la circonstance que ces ouvrages n’aient pas été utilisés en tant que tels au cours d’une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d’eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit."

Et concernant la ruine :

"L’état de ruine, qui conduit en revanche à la perte du droit, est établi lorsque les éléments essentiels de l’ouvrage permettant l’utilisation de la force motrice du cours d’eau ont disparu ou qu’il n’en reste que de simples vestiges, de sorte qu’elle ne peut plus être utilisée sans leur reconstruction complète."

En l'espèce, les conseillers d'Etat confirment que la notion de ruine est d'interprétation restrictive :

"Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et en particulier des constatations effectuées tant par la direction départementale des territoires de Haute-Loire en juin 2012 que par l’huissier de justice mandaté sur les lieux par les requérants en février 2017, que si le seuil de prise d’eau de l’installation sur l’Holme est dans un état très dégradé, les pierres qui le constituent persistent à assurer au moins en partie leur fonction de retenue de l’eau et que des travaux limités permettraient aisément de rétablir leur fonction de dérivation en vue de l’utilisation de la force motrice du cours d’eau, les canaux d’amenée et de fuite ainsi que le bâtiment étant en revanche toujours présents, eu égard à la configuration des lieux. Par suite, en jugeant que la persistance de seuls quelques blocs de pierre non agencés, s’agissant du seuil de prise d’eau, impliquait la reconstruction complète de l’ouvrage et caractérisait un état de ruine de l’installation permettant de justifier la perte du droit fondé en titre des requérants, la cour administrative d’appel a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis."

Ce nouvel arrêt du conseil d'Etat confirme deux autres prononcés en 2019, sur le droit fondé en titre de la commune de Berdoues (31) et celui du moulin du Boeuf à Bellenod dur Seine (21).

L'Association Hydrauxois est en conflit avec la préfecture de l'Yonne, où des agents administratifs pourtant parfaitement informés de la jurisprudence, ont proféré la  menace lancinante de suppression de droit d'eau au motif fantaisiste de "ruine" de l'ouvrage, cela auprès de personnes isolées et fragilisées. Le préfet a considéré utile de faire une contre-visite mais aussi de... menacer l'association d'un procès en diffamation ! Qu'il donne suite à ces menaces s'il estime en son for intérieur que sa position est fondée en droit, alors, le juge judiciaire devra trancher. Ces témoignages illustrent ce qu'est la véritable "politique apaisée" de la continuité écologique.

Propriétaires et associations ont-ils d'autre recours que d'engager des contentieux?
Plusieurs conclusions doivent être tirées des décisions récentes du conseil d'Etat comme du comportement de l'administration de l'eau et de la biodiversité :

  • les contentieux se sont multipliés en France depuis 10 ans car la DEB (Direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie) a opté pour le harcèlement des moulins et étangs en vue de leur destruction appelée pudiquement "effacement", comme en témoignent des multiples comptes-rendus et les attitudes observées sur le terrain depuis le PARCE 2009,
  • les principaux motifs de conflits sont l'abrogation de droits d'eau fondés en titre ou réglementés au motif de ruine, la tentative d'imposition des contraintes lourdes et disproportionnées, la tentative d'imposer (non prévue dans la loi de continuité écologique) des mesure de destructions, le refus d'indemnisation (prévue dans la loi de continuité écologique) des passes à poissons et autres dispositifs de franchissement,
  • cette même administration subit depuis dix ans sur ce sujet des revers et des critiques venant des rapports parlementaires, des audits administratifs et des condamnations de justice,
  • un trop grand nombre de propriétaires et d'associations tolèrent encore des excès de pouvoir de cette administration, hésitent à ester en justice, manquent d'information(s) sur ce que dit réellement la loi, pensent qu'une politique de l'autruche ou du dos rond suffira à attendre que l'orage passe
  • lorsqu'ils sont confrontés à une mauvaise foi manifeste pour reconnaître l'antériorité d'un moulin ou d'un étang, des demandes disproportionnées,des prescriptions toujours plus lourdes relevant de la charge spéciale exorbitante sans indemnisation. les propriétaires et riverains ne devraient plus hésiter à aller en contentieux. C'est la stratégie adoptée par FNE qui multiplie les recours.

La politique systématique de destruction des moulins, étangs et barrages est inadmissible.

Nous en étions convaincus dès 2012, nous le sommes plus encore en 2020 : rien ne semble changer au ministère de l'écologie sur ce que nous estimons être des erreurs de méthode, de gouvernance et d'objectif. La justice est donc l'outil ultime pour obtenir cette reconnaissance.

La première condition d'un "apaisement" possible est de reconnaître la légitimité des ouvrages hydrauliques, de leurs fonctionnalités, en particulier quand il s'agit de projet d'énergie bas-carbone, de bonne gestion écologique de l'eau et de ses milieux, de contribution au patrimoine culturel et historique des territoires.
La deuxième condition est bien évidemment que les propriétaires gèrent leur bien en ayant à l'esprit leurs devoirs attachés à leur droit.

Référence : Conseil d'Etat, arrêt n°425061, 31 décembre 2019

Rédigé par jojo

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article