ENQUÊTE. Lacs, rivières, étangs... Les cyanobactéries, ces micro-organismes qui intoxiquent nos eaux de baignade
Elles ressemblent à des algues et menacent de fermeture toutes les eaux de baignade dans le monde. Les cyanobactéries sont de très vieux microbes, toxiques et doués pour proliférer, bien aidé par les hommes… Cinq questions pour tout comprendre.
Elles intoxiqueront bientôt toutes les eaux de baignades. Les cyanobactéries sont des micro-organismes aquatiques, toxiques, apparus sur Terre il y plus de 2 milliards d'années. Le réchauffement climatique engendre leur prolifération. Faut-il s'inquiéter ? Ouest-France fait le point.
Les cyanobactéries, c'est quoi exactement ?
Les cyanobactéries sont des micro-organismes aquatiques qui présentent des caractéristiques communes aux bactéries et aux algues. Elles contiennent de la chlorophylle et utilisent la photosynthèse pour fabriquer leur nourriture grâce à l’énergie solaire.
Ces microbes sont apparus sur Terre, lorsque la température a baissé, en dessous de 72 °C, à laquelle la photosynthèse peut avoir lieu. En 2004, la chercheuse américaine Carrine Blank, a daté leur naissance à 2,3 milliards d’années.
On les trouve naturellement dans les eaux, douces ou marines (surtout en bordure de côte). Lorsqu’elles sont nombreuses, elles forment une nappe visible à l’œil nu à la surface de l’eau, que les scientifiques appellent « floraison » ou « efflorescence ».
De loin, cette prolifération peut faire passer les cyanobactéries pour des algues - d’où son surnom populaire d’algues bleu-vert, qui n'ont rien à voir avec les algues vertes qui polluent par exemple la Bretagne. Mais il suffit de passer la main dans l’eau et d’essayer d’en attraper, pour comprendre qu’il ne s’agit pas d’algues. Selon les endroits et ce que ces cyanobactéries trouvent à se mettre sous la « dent », elles peuvent être bleu-vert, le plus souvent, mais aussi vert foncé ou rougeâtre.
Cela dépend des espèces. Mais beaucoup produisent des cyanotoxines, un poison qui se libère dans l’eau. Au contact de la peau, il peut entraîner des irritations et des allergies ; ingurgité, il s’attaque au foie et au tube digestif, ce qui provoque des vomissements. Les plus dangereuses des cyanobactéries libèrent des neurotoxines, qui affectent le système nerveux et peuvent paralyser les muscles.
Tout est une question de concentration dans l’eau. En France, les Agences régionales de santé interdisent la baignade si le prélèvement dépasse les 100 000 cellules par millilitre d’eau. Dès qu’un taux dépasse les 20 000, un second prélèvement est effectué. Avis aux campeurs : « Faire bouillir l’eau ne détruit pas ces cyanotoxines », prévient Santé Canada.
Qu’est-ce qui provoque une prolifération ?
Une conjugaison de facteurs. Les cyanobactéries aiment les eaux chaudes - a fortiori les épisodes de canicule - et adorent les nutriments employés dans l’agriculture – avec une préférence pour le phosphore, mais l’azote c’est « bon » aussi.
(L’Institut finlandais de l’environnement, le Syke, étudie les cyanobactéries de la mer Baltique depuis les années 1990)
Des eaux usées qui s’échappent des usines de retraitement ou de logements non raccordés à un réseau d’assainissement nourrissent aussi ces micro-organismes gloutons. Enfin, les cyanobactéries prolifèrent davantage dans les eaux peu profondes et stagnantes. L’interaction entre ces différents facteurs est encore mal conn
En 2,3 milliards d’années, elles ont eu le temps de coloniser tous les milieux aquatiques du globe, avec une préférence pour les lacs, les rivières et les petits étangs, où l’eau stagne.
Les pays qui possèdent de nombreux lacs, comme le Canada, les États-Unis sont particulièrement affectés. La France, où de nombreux étangs artificiels ont été aménagés dans les campagnes éloignées de la côte dans les années 1960-1970, est également concernée. Dans l’Ouest, les étangs d’Apigné, à Rennes, ou le Lac au Duc, à Ploërmel, dans le Morbihan doivent régulièrement interdire la baignade, l’été, après une forte période de chaleur.
Mais les cyanobactéries prolifèrent aussi dangereusement dans des petites mers fermées, comme la Baltique, en proie à des efflorescences de cyanobactéries de plus en plus intenses depuis dix ans.
La hausse des températures à la surface du globe, les périodes de canicule documentées par les climatologues des Nations unies augure de beaux jours pour les cyanobactéries, de très vieux organismes très doués pour la survie