Principe de précaution et déclaration d'utilité publique : le Conseil d'Etat se prononce

Publié le 17 Avril 2013

Principe de précaution et déclaration d'utilité publique : le Conseil d'Etat se prononce

Le Conseil d'Etat a rejeté les recours des associations et des collectivités contre la ligne THT Cotentin-Maine. A cette occasion, il précise de quelle manière il contrôle le respect du principe de précaution dans ce type d'affaires.

Par une décision du 12 avril 2013, le Conseil d'Etat a rejeté les requêtes de plusieurs associations et collectivités locales visant à faire annuler l'arrêté ministériel du 25 juin 2010 qui déclarait d'utilité publique les travaux de création de la ligne à très haute tension (THT) "Cotentin-Maine". Cette ligne, d'une longueur de 163 km et traversant 64 communes, est destinée à acheminer l'électricité qui sera produite par le futur réacteur EPR de Flamanville (Manche). Les requérantes soutenaient que le respect du principe de précaution empêchait la réalisation de la ligne THT en raison des risques que l'opération faisait peser sur la santé des riverains.

Au-delà de l'intérêt de la décision pour le litige en cause, cette dernière affine la jurisprudence de la Haute juridiction administrative en ce qui concerne les modalités de contrôle du respect du principe de précaution par les actes déclaratifs d'utilité publique.

Une opération qui méconnaît le principe de précaution ne peut être déclarée d'utilité publique

La décision confirme tout d'abord l'étendue du champ du principe de précaution, qui doit jouer aussi bien en cas de "risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement" que "d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé".

Le Conseil d'Etat affirme ensuite qu'une opération qui méconnaît les exigences du principe de précaution ne peut jamais être déclarée d'utilité publique. Pour s'assurer du respect de ce principe, l'autorité compétente de l'Etat, saisie d'une demande tendant à ce qu'un projet soit déclaré d'utilité publique, doit procéder en trois étapes, explique la Haute juridiction dans un communiqué.

D'abord, "rechercher s'il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque (…) qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l'état des connaissances scientifiques, l'application du principe de précaution". Ensuite, si cette condition est remplie, "veiller à ce que des procédures d'évaluation du risque identifié soient mises en œuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle".  Enfin, "vérifier que (…) les mesures de précaution dont l'opération est assortie afin d'éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives".

En cas de contestation de la déclaration d'utilité publique, le juge doit vérifier tout d'abord que l'application du principe de précaution est justifiée, s'assurer ensuite de la réalité des procédures d'évaluation du risque mises en œuvre et, enfin, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans le choix des mesures de précaution.

Si ce premier contrôle ne l'a pas conduit à annuler la décision contestée, il appartient ensuite au juge administratif, "lorsqu'il contrôle l'utilité publique du projet en mettant en balance ses avantages et ses inconvénients, de prendre en compte, au titre des inconvénients, le risque tel qu'il est prévenu par les mesures de précaution, les inconvénients d'ordre social pouvant résulter de ces mesures et le coût financier de celles-ci", explique le Conseil d'Etat.

Existence d'un risque de leucémie plausible

En l'espèce, le Conseil d'Etat reconnaît que l'existence d'un risque accru de leucémie chez l'enfant en cas d'exposition résidentielle à des champs électromagnétiques de très basse fréquence devait, bien qu'aucun lien de cause à effet n'ait été scientifiquement démontré, être regardée comme "une hypothèse suffisamment plausible, en l'état des connaissances scientifiques, pour justifier l'application du principe de précaution".

Mais il estime, d'une part, que des procédures d'évaluation du risque adaptées ont été mises en œuvre : dispositif de surveillance et de mesure des ondes électromagnétiques par des organismes indépendants accrédités, suivi médical après la mise en service de la ligne… Et, d'autre part, que les mesures de précaution retenues ne sont pas "manifestement insuffisantes", pour parer à la réalisation du dommage éventuel : information du public, tracé minimisant le nombre d'habitations situées à proximité et évitant tout établissement accueillant des personnes particulièrement exposées, rachat des habitations situées à moins de 100 m de la ligne.

Enfin, une fois ces mesures mises en œuvre, "ni les inconvénients subis par les personnes résidant à proximité du tracé de la ligne « Cotentin-Maine », ni l'impact visuel des ouvrages sur les paysages traversés, ni leurs éventuels effets sur la faune et la flore, ni enfin le coût de l'opération, y compris les sommes consacrées aux mesures visant à assurer le respect du principe de précaution, ne peuvent être regardés comme excessifs et de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique", conclut la décision qui rejette, par conséquent, les recours.

Même si le projet fait l'objet de plus de 75 procès, selon RTE, le ciel s'éclaircit pour la filiale du groupe EDF, dont la ligne, quasiment achevée, devrait être mise en service courant avril, d'après l'AFP.

Laurent Radisson

Rédigé par jojo

Publié dans #Réaction de nos politiciens

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