Projet agro-écologique : le collectif doit être au cœur de la transition

Publié le 14 Juin 2013

Projet agro-écologique : le collectif doit être au cœur de la transition

Le collectif sera le moteur de la transition du modèle agricole français, estime la mission présidée par Marion Guillou. En mobilisant l'ensemble des acteurs et les groupements d'agriculteurs, cette révolution agricole pourrait s'opérer en dix ans.

Après quelques mois de travaux avec les services du ministère de l'Agriculture, l'Inra et les parties prenantes, la mission présidée par Marion Guillou a présenté ses conclusions le 11 juin. Elle avait été chargée en décembre dernier par le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll d'identifier et de capitaliser les bonnes pratiques agro-écologiques afin de définir "le cahier des charges de l'agriculture du troisième millénaire".

"Nous avons fait le pari ambitieux, un peu fou, d'identifier et de caractériser les performances visées, les effets des pratiques agricoles sur celles-ci et leur mise en système pour dégager des pistes de progrès", indique la mission en préambule. Ainsi, les experts ont identifié 35 performances (augmenter la production, la qualité des produits, la valeur ajoutée, diminuer l'érosion, les volumes d'eau consommés, les émissions d'ammoniac, de GES…) et 203 pratiques agricoles permettant de tendre vers ces performances (gestion du sol, santé animale, choix variétal…). Des fiches thématiques ont également été publiées (viticulture, grandes cultures annuelles, bovins, arboriculture).

Mais la mission s'est bien gardé de faire du prêt-à-porter, expliquant que "produire mieux exige le plus souvent de produire autrement en adaptant ses pratiques et son système au milieu pédoclimatique et agro-écologique, et à l'organisation économique et sociale locale".

Elle a donc insisté sur le rôle du collectif et de l'engagement de tous les acteurs dans cette transition. "Notre constat est le suivant : l'antinomie n'est pas entre économie et environnement mais entre technicité, temps d'observation, pratiques innovantes et investissements", explique Marion Guillou.

 
Des certificats d'économie phyto ? Afin de réduire l'usage de produits phytosanitaires, la mission propose la création de dispositifs de certificats d'économie d'intrants (eau, engrais, produits phytosanitaires), directement inspirés des certificats d'économie d'énergie (CEE). "L'objectif consiste à inciter les structures de vente d'intrants (« l'offre »), à dégager, directement ou indirectement, des leviers pour des opérations de réduction des utilisations d'intrants (« la demande ») en finançant ou proposant des démarches vertueuses standardisées ou spécifiques".
La difficulté de ce dispositif réside dans la définition d'une base de référence sur laquelle appuyer ce mécanisme. C'est pourquoi la mission préconise de commencer par des certificats phyto, en s'appuyant sur la base nationale de données des ventes de distributeurs (BNV-d).
 
Les agriculteurs seuls ne pourront entamer cette transition vers un changement de modèle, martèle la mission. La prise de risque liée au changement de régime est trop importante, notamment lors des premières années. "Les risques d'erreurs lors de la phase d'apprentissage, les risques structurels lors de l'adoption de pratiques plus vertueuses mais aux résultats parfois plus variables constituent des freins à l'adoption de nouvelles pratiques ou systèmes", indique la mission. Il faut donc mobiliser les territoires, les filières amont et aval, la recherche, l'enseignement…

"Nous faisons le pari que la transition peut aller vite, si nous mettons en place les bonnes incitations. Nous tablons sur une dizaine d'années", a estimé Stéphane Le Foll. Les premières mesures du plan agro-écologie seront intégrées à la loi d'avenir pour l'agriculture, dont la présentation au Parlement a été repoussée à début 2014.

Faire évoluer la gouvernance

Pour diffuser les bonnes pratiques et faire le lien entre chercheurs et agriculteurs, "le GIS Relance agronomique est actuellement la seule initiative collective de grande envergure qui rassemble dans une même instance les différents acteurs de la recherche, du développement et de la formation en agriculture". Ce groupement d'intérêt scientifique pourrait devenir le pivot du futur dispositif et être chargé du système d'information, de la capitalisation des données et références…

De même, pour favoriser l'appropriation du projet agro-écologique, la construction du "tableau de bord" des démarches agro-écologiques doit être pensée "comme une démarche de co-construction de références partagées par les acteurs concernés, et non pas seulement comme un ensemble d'indicateurs préétablis par des experts".

La gouvernance du secteur agricole devra s'ouvrir, alors qu'elle "repose aujourd'hui sur des institutions et des modes d'organisation hérités d'une logique qui était essentiellement celle d'un secteur isolé car essentiellement dédié à la seule fonction de production". Du fait des nouvelles attentes sociétales, cette gouvernance devrait associer les organisations non gouvernementales, associations de consommateurs, acteurs des filières, parcs naturels…

Les GIEE moteurs de la transition

Sur le terrain, l'action devra également être collective, notamment au travers des groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE), qui seront institués par la loi d'avenir pour l'agriculture. "Il nous semble qu'ils devraient, a minima, être structurés autour d'un projet collectif de double performance [économique et environnementale], porté par un groupe d'agriculteurs et associant, le cas échéant, des opérateurs de filières (pour l'introduction et la valorisation de nouvelles cultures, par exemple) et/ou de territoires (pour l'organisation collective d'infrastructures agro-écologiques, par exemple)", indique la mission.

Selon elle, les incitations devraient viser en priorité ces démarches collectives. Le conseil, dont la mission souligne le rôle essentiel dans la transition, devra être encadré et viser le collectif. La mission préconise pour cela la création d'un "chèque conseil", de type chèque vacances ou crédit d'impôt, réservé aux projets portés par des GIEE, "pour des raisons stratégiques (prime aux démarches collectives), de contraintes budgétaires et de coûts administratifs".

Trouver les bonnes incitations

Les pouvoirs publics doivent accompagner la transition et l'encourager, en envoyant les bons signaux, réglementaires ou financiers. "Mais il faut en finir avec ce système où les agriculteurs agissent lorsqu'il y a des aides, et arrêtent lorsqu'il n'y en a plus. Nous voulons être le cycliste qui lance son champion dans la course avant de s'effacer", estime Stéphane Le Foll.

La mission a identifié trois types d'outils à mobiliser. "Dans le cadre public ou dans le cadre des projets financés par des fonds publics (ANR, CASDAR, etc.), les acteurs de la recherche, de la formation et du développement seront incités à mettre en place des expérimentations de systèmes à risques". De même, devrait être expérimentée la garantie publique, via des fonds régionaux de mutualisation du risque mis en place volontairement par les coopératives ou d'autres acteurs de filières (intégrateurs industriels).

Enfin, les aides, notamment européennes, devront cibler les changements "systèmes". La définition des mesures agro-écologiques systèmes pourrait être réalisée à l'échelle régionale. "Au fur et à mesure que les références seront disponibles et les échelles d'action cohérentes (par exemple, un bassin versant pour l'eau), il conviendrait de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats", note la mission.

Sophie Fabrégat

Rédigé par jojo

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