Madame la Ministre, Contrairement à vos prédécesseurs, vous avez bien voulu vous déplacer sur le site des Barrages de la Sélune et nous vous en remercions.
Publié le 6 Décembre 2014
LES AMIS DU BARRAGE
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Le 4 Décembre 2014
Madame Ségolène ROYAL
Ministre de l’Ecologie,
du Développement durable et de l’Energie
Madame la Ministre,
Contrairement à vos prédécesseurs, vous avez bien voulu vous déplacer sur le site des Barrages de la Sélune et nous vous en remercions.
Même si l’enquête publique nous semble avoir été menée de manière partisane et que ses résultats nous paraissent tronqués, les commissaires enquêteurs ont rendu un avis favorable à l’arasement des ouvrages de Vezins et la Roche Qui Boit.
Nous voudrions toutefois attirer votre attention sur les éléments suivants :
La production d’énergie :
Les usines hydroélectriques de Vezins et la Roche-qui-Boit produisent actuellement une quantité d’énergie propre, modulable, renouvelable et rentable qui est loin d’être négligeable au regard des objectifs recherchés.
Une production de 25 Millions de KWh par an qui ne sera pas remplacée et qui pourrait être multipliée par quatre en construisant une STEP.
Le Gouvernement s’inquiète des dérèglements climatiques, des effets néfastes des gaz à effet de serre, prône le développement des énergies renouvelables et la diminution de la part du nucléaire dans la production d’énergie. Où est donc la logique qui conduirait à se passer de la production des unités de Vezins et la Roche Qui Boit ?
La réserve d’eau :
Les lacs constituent la seule réserve d’eau du Sud Manche dépourvu de nappes phréatiques.
La production d’eau potable risque fort d’être compromise après la suppression des
barrages qui garantissent un débit minimum de 2 m3 /s en période d’étiage. Avec un débit
d’étiage sans barrage de 0.9 m3 /s la production serait insuffisante, même avec les bassins qui
formeront une réserve d’eau brute pour deux jours au maximum.
En 1976, mais aussi en 2003, on pompait de grandes quantités d’eau dans le lac pour
alimenter le bétail et arroser les cultures. Qu’adviendrait-il en cas de sécheresse si la réserve
était supprimée ?
Par ailleurs, les 20 Millions de m3 d’eau douce stockés dans les retenues pourraient s’avérer
indispensables en cas d’accident à la centrale de Flamanville. Priver le Département d’une
telle ressource reviendrait à exposer la population à des risques similaires à ceux
engendrés par la catastrophe de Fukushima.
La gestion des crues :
L’instauration d’une cote hivernale (moins 2 m) permet de réguler le débit du fleuve quand
il ne dépasse pas 60 m3 / s. Les barrages ne sont pas « transparents ». Ils permettent aussi
de retarder les effets des crues plus importantes et de prévenir les populations d’un danger
imminent en leur donnant du temps pour s’organiser. Leur disparition augmenterait les
risques pour les personnes et les biens. Les pouvoirs publics envisagent de mettre en place
un dispositif baptisé « Vigicrues » après l’arasement des barrages. Il ne s’agit que d’un
dispositif d’alerte qui n’est pas destiné à empêcher la Sélune de sortir de son lit en mettant
gravement en danger les populations de l’aval.
Pourtant, dans un arrêt du 30 janvier 2012, le Conseil d'Etat rappelle que le principe de
précaution issu de l'article 5 de la Charte de l'environnement, s'impose aux pouvoirs publics
et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs.
La pollution / Les saumons :
Les barrages sont un véritable piège à sédiments, nitrates, phosphates et métaux lourds. Les
sédiments proviennent de l'amont de la Sélune et de ses affluents. Les eaux relâchées
actuellement à l’aval sont plus pauvres en nitrates, phosphates et matières en suspension.
La suppression des barrages entrainerait une augmentation de la turbidité néfaste à la
reproduction des différentes espèces. Il en serait de même de l'eutrophisation et du
développement d'algues. La vidange des retenues ne devrait pas être réalisée avant que
la qualité des eaux venant de l’amont n’ait été améliorée et cela en application de la
Directive Cadre sur l'Eau qui vise au bon état écologique de l'eau en 2015.
Objectif hors de portée.
Si les poissons migrateurs sont présents à l’aval du barrage de la Roche Qui Boit, c’est bien
grâce au rôle de filtres et de bassins de décantation des retenues, même si ça n’est pas leur
vocation première. La disparition des ouvrages entrainerait celle des saumons sur la
totalité du cours de la Sélune.
Il y a fort à penser pour que le volume des sédiments ait été largement sous-estimé, tout comme en 1993 lors de la dernière et catastrophique vidange des lacs. Pour les évacuer, la solution retenue serait de « mettre à profit l’action naturelle d’une rivière qui retrouve son lit pour les transporter et profiter de la survenue de forts débits voire d’une ou plusieurs crues pour que la Sélune évacue d’elle-même les sédiments » (pollués ou non) vers l’aval.
Même si une partie de ces boues est provisoirement stockée dans le lac de la Roche Qui Boit, elles seront finalement envoyées vers la Baie en colmatant toutes les frayères au passage.
Une hypothèse que personne ne veut envisager.
Le cône de l’un des affluents amont renferme des métaux lourds. Les pouvoirs publics ont décidé que la continuité écologique ne serait pas rétablie sur ce ruisseau. Plutôt que de procéder à une dépollution sans doute jugée trop coûteuse, les sédiments hautement pollués et dangereux pour l’homme, la faune et la flore, seront recouverts par d’autres sédiments extraits du reste de la retenue et indemnes de contamination, tout comme dans un centre d’enfouissement.
L’ensemble devant être retenu par un système de merlons dont l’efficacité à long terme nous paraît parfaitement illusoire. C’est une véritable décharge qui sera ainsi créée sur le cours d’eau.
On s’oriente donc vers une pollution massive, récurrente et inacceptable vers l’aval et la baie du Mont Saint Michel. La production conchylicole, le projet « Natura 2000 » et celui de Parc marin seraient gravement mis à mal.
De plus et faute d’avoir trouvé un moyen efficace et bon marché pour les capturer vivants, des tonnes de poissons présents dans les retenues sont destinées à l’équarrissage.
Le gaspillage de l’argent public et une vallée à l’abandon:
Le traitement des sédiments et la destruction des barrages doivent être financés par l’Etat et l’Agence de l’eau. Le développement économique et le réaménagement de la vallée reviendraient aux Collectivités locales prétendument aidées par d’hypothétiques fonds européens. Europe, Etat, Agence de l’eau, collectivités dépensent l’argent public qui se fait de plus en plus rare. C’est donc un projet déjà condamné faute de financements suffisants.
Nous nous interrogeons sur l’opportunité d’obliger les contribuables à financer (même et surtout a minima) un projet qui n’a toujours pas pu être chiffré alors que notre pays connaît une situation d’impécuniosité sans précédent.
Incohérences, imprécisions, amateurisme et manque de moyens ne peuvent assurément pas permettre que cette opération soit conduite de manière « exemplaire aussi bien au plan technique, environnemental que d'accompagnement des acteurs locaux ». C’est la promesse de l’Etat qui ne pourra pas être tenue et qui se prépare ainsi à infliger une punition supplémentaire à une population déjà très éprouvée et sacrifiée sur l’autel de l’intégrisme écologique.
L’effacement prématuré des barrages conduirait à l’inverse des buts recherchés et qui font pourtant l’objet d’un large consensus.
Madame la Préfète de la Manche va devoir se prononcer prochainement et prendre un arrêté autorisant ou non le début des opérations.
La raison voudrait que faute de moyens techniques et financiers suffisants ainsi que de l’expérience et des compétences indispensables, l’Etat reporte la mise en oeuvre d’un projet dont ni l’utilité ni l’urgence n’a été démontrée.
Si la décision définitive d’arasement était prise, nous ne pourrions que la contester devant le Tribunal administratif.
Nous sommes assurés, Madame la Ministre, que vous serez sensibles à nos observations et que vous ferez en sorte que le calendrier des opérations soit revu de façon à ce que l’irréparable ne soit pas commis.
Dans cette attente,
Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de nos salutations respectueuses.
John KANIOWSKY
Président
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