Nitrates : la nouvelle carte des zones vulnérables crée des remous

Publié le 30 Juillet 2014

Nitrates : la nouvelle carte des zones vulnérables crée des remous

Soucieuse d'éviter de lourdes sanctions financières de l'UE, la France désigne 38.000 communes supplémentaires en zone vulnérable, suscitant la colère des organisations agricoles.

L'annonce par Ségolène Royal d'un élargissement des zones vulnérables aux nitrates agricoles mercredi 23 juillet suscite sans surprise une forte réaction des organisations agricoles. La carte des zones concernées leur a été présentée lors d'une réunion au ministère de l'Agriculture jeudi matin.

 

   
   
Le classement, qui doit être soumis à consultation à la rentrée et tranché d'ici la fin de l'année, concerne précisément 3.888 communes supplémentaires, ce qui porterait à 23.128 le nombre de communes en zone vulnérable. Cette extension concerne 63.000 exploitations, dont 36.000 à orientation élevage ou polyculture élevage. Au final, 70% de la surface agricole utile française serait classée en zone vulnérable. Comme le souligne avec un euphémisme Laurent Roy, directeur de l'eau au ministère de l'Ecologie, "la problématique nitrates n'est pas seulement bretonne", après avoir souligné les progrès toutefois accomplis dans certains bassins.

 

Les mots des organisations agricoles sont forts. La Coordination rurale parle d'"un nouveau coup de boutoir contre le revenu et le moral des agriculteurs qui sont déjà au plus bas". La FNSEA dénonce les décisions "environnementales" qui vont "finir par faire un plan social de l'agriculture... sans le dire !". La Confédération paysanne estime, quant à elle, que cette décision "risque d'accentuer la forte incompréhension sur le terrain et n'apporte toujours pas de réponse cohérente au problème des nitrates".

Eviter une sévère condamnation de la France

"Voici le plan d'action que la France a «vendu» aux autorités communautaires pour éviter le scénario catastrophe d'une sévère condamnation et de lourdes sanctions financières : plus de 3.800 communes supplémentaires classées zones vulnérables avec toutes les contraintes que cela implique pour 63.000 exploitations", réagissent la FNSEA et Jeunes Agriculteurs. Il est vrai que la France a déjà été condamnéeen juin 2013 par la justice européenne pour désignation incomplète des zones vulnérables et reste sous le coup d'une nouvelle condamnation pour insuffisance des programmes d'actions applicables dans ces zones. Paris doit donc donner des gages aux autorités communautaires.

"Ces nouvelles extensions concernent essentiellement des zones de polyculture élevage. De nombreux paysans, qui ne l'ont pas prévu, auront donc à se mettre aux normes", réagit la Confédération paysanne. Dans sa présentation en conseil des ministres, Ségolène Royal a précisé que cette extension, effectivement destinée à répondre aux demandes de la Commission dans le cadre du contentieux "nitrates", est réalisée "en veillant à ne pas pénaliser l'activité des éleveurs qui (…) ont déjà fait beaucoup d'efforts". Avant d'ajouter : "les éleveurs bénéficieront des aides maximales possibles, au regard des règles communautaires, pour les mises aux normes". Sa directrice de cabinet, Elisabeth Borne, avait ajouté mercredi que les éleveurs bénéficieraient également des encouragements à la méthanisation.

"Bien que les financements dans les nouvelles zones soient réglementairement possibles, ils devraient se faire majoritairement par les aides à la modernisation du second pilier de la PAC, mis en œuvre par les régions", analyse la Confédération paysanne. Or, précise-t-elle, les programmes de développement rural des régions sont quasi bouclés et celles-ci n'ont pas dû prévoir ces financements supplémentaires. De plus, la plupart des arrêtés relatifs aux programmes d'actions régionaux viennent d'être signés. Laurent Roy a en effet annoncé mercredi que 18 des 21 arrêtés préfectoraux l'étaient et que l'ensemble le serait pour la fin août. "Faudra-t-il tout recommencer ?", interroge le syndicat agricole.

Tacle des organisations agricoles

Si les organisations agricoles se rejoignent dans leur réaction à cette annonce, elles ne manquent en revanche pas de se tacler quand elles analysent les raisons qui ont conduit la France à cette situation.

"Nous ne pouvons que dénoncer l'inertie des pouvoirs publics et du syndicat majoritaire qui, depuis la mise en œuvre de la directive européenne en 1991, n'ont pas voulu prendre le problème de la pollution par les nitrates à bras le corps", dénonce la Confédération paysanne. Le syndicat, défenseur d'une agriculture paysanne, estime que la réduction des pollutions agricoles, que ce soit d'ailleurs pour les nitrates ou les pesticides, ne pourra passer "que par des encouragements efficaces aux changements de pratiques".

Tout en dénonçant "un dogmatisme environnemental (…) plus compris à force d'être extrémiste", la FNSEA estime qu'"il est temps de penser autrement, de rouvrir un débat communautaire de fonds sur la directive nitrates et d'intégrer les bonnes pratiques et les innovations dans les programmes d'action".

La Coordination rurale qui, indique-t-elle, n'a jamais cessé de réclamer la révision de la directive nitrates et des normes phosphates, "se félicite de constater que la FNSEA rejoint désormais cette position". Et, estimant que la meilleure défense c'est l'attaque, demande au Gouvernement de... mettre en demeure la Commission d'enclencher la révision de la directive.

Rédigé par jojo

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