Le 26 mai 2015 courier à Madame Ségolène ROYAL

Publié le 1 Août 2015

e 26 mai 2015 Madame Ségolène ROYAL, Ministre de l’ Ecologie, du Développement Durable & de l’Energie Hôtel de Roquelaure - 246 bd St Germain, 75007 PARIS. Madame la Ministre, Nous sommes des experts venant de disciplines différentes (ingénierie, économie, administration, écologie, recherche scientifique) qui avons été amenés par les circonstances à nous intéresser au devenir de la Sélune et à réfléchir avec ceux qui cherchent des alternatives pour sauvegarder les deux barrages hydroélectriques, leurs deux lacs et les activités de tourisme, de sport et de nature solidement ancrées dans le paysage depuis près d'un siècle. Nous nous sommes réjouis de ce que vous avez dit sur le site le 4 décembre et de votre vigilance face au risque de contradiction avec les impératifs énergétiques et sociaux actuels : il serait difficile d’adopter aujourd’hui une décision qui aboutirait à supprimer une ressource d’énergie renouvelable, détruire les activités et emplois permis par ces infrastructures et dépenser 53M€ voire plus, s’il n’y a pas en regard réalité de progrès pour la nature et d'économies substantielles. Suite à votre visite, vous avez exprimé, dans votre lettre de mission 15 Janvier 2015, trois exigences de méthode: 1- réaliser une étude critique de l'ensemble des documents & rapports précédents ; 2- faire appel à des compétences tierces, nouvelles sur le dossier, afin de sortir du martèlement public d'une « solution disproportionnée et répétitive de destruction des barrages » établie à un coût prohibitif, votre initiative rejoignant la clairvoyance de G.Clémenceau au sujet de ces infrastructures essentielles; 3- analyser des scenarii alternatifs dont vous donniez les grandes lignes. Votre définition de mission présente l'avantage de se situer comme un « hyper-choix » associant le capital nature avec les enjeux énergétiques et l'économie des moyens. Or le rapport qui vous a été remis repose sur des contradictions tant de méthode que de contenus, dès lors qu'il se fait l'avocat exclusif du démantèlement des barrages, comme l’indique le résumé publié sur le site du CGEDD, http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/les-derniers-rapports-r43.html. Outre l'incohérence interne de la focalisation sur un seul scénario (démanteler les barrages) sans réellement traiter le scenario d'intelligence du capital nature avec le capital énergétique, il devient incohérent à l'externe de prétendre détruire des barrages hydroélectriques au regard des convergences entre le Gouvernement , l’Assemblée et le Sénat sur la loi sur la Transition énergétique. En dépit de votre demande de réalisation d'une expertise « tierce », les experts choisis avaient déjà ce dossier en amont de l'enquête publique qui a soulevé tant de polémiques; il est à craindre que leur focalisation ne renforce les blocages. Grâce à l’intervention de la Députée Bernadette Laclais votre cabinet a organisé le 20 mai une réunion approfondie à l’Assemblée avec la mission Perrin. Nous souhaitons vous en remercier très sincèrement et tenons à vous confirmer dans cette lettre et son annexe nos préoccupations principales. La mission part d’une très faible valeur de l’énergie produite, une cinquantaine d’euros par MWh, et d’une production réduite d’un tiers par baisse du niveau des lacs. Ces choix sont inexplicables par rapport aux valorisations de 70 à 250€/MWh prises en compte pour d’autres EnR alors qu’il s’agit ici d’un fonctionnement par éclusées pilotable en fonction des pointes de demande et de la situation hydraulique. Cette option choquante conduit à une non rentabilité qui suffirait à dissuader tout candidat à une nouvelle concession et tout projet de STEP. Nous suggérons que ce choix fondamental d’une règle de valorisation de l’électricité produite ici soit revu d’urgence pour permettre la définition des conditions d’une remise en concession. Cette affirmation de non rentabilité conduit à évacuer sans réel examen la création d’une SEMH (s’il n’y a pas simple prorogation de la concession à EDF) que va permettre la loi sur la transition énergétique et la mise en place de la « redevance » moderne pour l’Etat et les collectivités. Ceci serait à reprendre de même que la définition des modalités d’application du droit national et européen sur l’énergie, l’eau et la protection de la biodiversité : les « classements » adoptés ici pour ces masses d’eau et les différentes espèces ont été depuis quelques années très contingents à l’option de vos prédécesseurs de supprimer la concession. Ces incertitudes juridiques dissuaderont elles-aussi les collectivités et tout repreneur sauf si une option claire est indiquée par l’Etat aux instances du Bassin Seine-Normandie et à Bruxelles puis inscrite dans un décret en Conseil d’Etat. Nous recommandons que ces points en particulier soient examinés rapidement avec le Département de la Manche. Nous tenant prêts à répondre à toute réquisition de votre part, nous restons à votre entière disposition et vous prions, Madame la Ministre, d’accepter l’expression de notre haute considération. Brice Wong, Louis Desloges, Bernhard Kitous, André Lefeuvre, Jean-Louis Varinot, Philippe Vesseron pj : Annexe « Questions sur le rapport relatif au démantèlement des barrages de Vézins et La Roche qui Boit ». 1 BARRAGES de VEZINS et de la ROCHE QUI BOIT Premières propositions face au rapport Perrin (Brice Wong, Louis Desloges, Bernhard Kitous, André Lefeuvre, Jean-Louis Varinot, Philippe Vesseron) Malgré les analyses plutôt contestables de ce rapport, nous avons souhaité une discussion franche et loyale avec les 3 experts. C’est pourquoi, le 20 mai 2015, grâce à la Députée Bernadette Laclais, une petite délégation de notre équipe a pu rencontrer Laurent Bouvier, Thérèse Perrin et François Cholley à l’Assemblée Nationale. Compte tenu du peu de temps disponible, nous n’avons pu qu’exposer très brièvement notre point de vue et poser quelques questions. 1.Hydroélectricité : Les inspecteurs généraux fondent leur analyse sur une très faible valeur de l’énergie produite, qui ne serait que d’une cinquantaine d’euros par MWh, et sur une production réduite d’un tiers par rapport à son niveau antérieur. Ces choix sont inexplicables par rapport aux valorisations de 70 à 250€/MWh prises en compte pour d’autres EnR alors qu’il s’agit ici d’un fonctionnement par éclusées pilotable en fonction des pointes de demande et de la situation hydraulique. Cette option choquante conduit à une non rentabilité qui suffirait à dissuader tout candidat à une nouvelle concession. Sans même mentionner d’autres options contestables comme la tarification de l’énergie de pompage, cette non rentabilité supprimerait par ailleurs l’intérêt de l’investissement dans une STEP dont nous recommandons l’étude. 2.Nouvelle concession : L’affirmation de non rentabilité conduit les experts à évacuer sans réel examen la possibilité (s’il n’y a pas simple prorogation de la concession à EDF) de créer une SEMH que va permettre la future loi sur la transition énergétique et de mettre en place une « redevance » moderne au profit de l’Etat et des collectivités. Ceci serait à reprendre de même que la définition des règles du jeu pour l’application du droit national et européen sur l’énergie, l’eau et la protection de la biodiversité : les « classements » adoptés ici pour ces masses d’eau et les différentes espèces ont été depuis quelques années très contingents à l’option prise alors de suppression de la concession. Les incertitudes juridiques dissuaderont elles-aussi les collectivités et tout repreneur sauf si une option claire est indiquée aux instances du bassin Seine-Normandie et à Bruxelles puis inscrite dans un décret en Conseil d’Etat. 3. Emplois : Les études examinées par la mission sur le développement des activités associées aux lacs (randonnée, nautisme, pêche de la carpe et du brochet, …) ou les usages futurs potentiels des réserves d’eau douce laissent nécessairement insatisfaits : l’explication est sans doute à rechercher dans la focalisation sur le saumon (mais était-il si présent avant la construction des barrages ?). Outre qu'il paraît important, en raison des exigences de priorité à l'emploi fixées par le Chef de l'Etat, de ne pas prendre à la légère des décisions susceptibles d’avoir un impact sérieux sur l’emploi local, il existe sur le terrain un risque très fort d’incompréhension et de tensions. Là aussi, le fait que les mêmes arguments aient été répétés sans convaincre depuis 10 ans, accompagnés d'un mépris de l'existence d'un parc d'attractions drainant plus de 100.000 visiteurs/an et placé directement sur les lacs, est un signal de carence qu'il faut renverser par une véritable attention à la vie économique de la vallée de Sélune en se disant que : chaque emploi perdu comptera double reproche. Les emplois menacés par le démantèlement des 2 infrastructures seraient de 150 (dont 70 saisonniers) aux bases de l'Ange Michel et La Mazure ; 120 (dont 30 directs et 90 indirects) pour les installations énergétiques (petite maintenance & opérations régulières); 80 emplois induits par la présence humaine dans la vallée. 4.Flux touristique et de visites (pêche et tourisme) Les flux touristiques actuels sont estimés à 100.000 visiteurs payants à la base L'Ange Michel ; 80.000 visiteurs à la base de La Mazure ; 5.000 pêcheurs & familles pratiquant régulièrement un séjour sur les lacs (estimation : 20 à 30.000 séjours-nuitées par an). 5.STEP : 2 Le réexamen de la valeur de l’hydroélectricité sur ce site permettrait de discuter réellement le projet de STEP de 50 MW que nous recommandons d’étudier compte tenu des particularités de l’approvisionnement électrique de la Bretagne (cf. projets de turbines à gaz) . Seraient également indispensables la rediscussion des conditions tarifaires de l’énergie de pompage et du taux de rentabilité de 8% exigé. 6.Sécurité des barrages : Dès notre 1er intervention à Vézins, nous avons examiné sommairement les 2 barrages de Vezins et de RqB sur le plan de la sécurité. Nous avons été été rassurés, tout en préconisant (comme pour tous les anciens barrages à mettre s’il y a lieu aux nouvelles normes sismiques dans les zones où le risque sismique l’exige) des travaux de consolidation (et de surélévation de RqB) que permettrait facilement la nouvelle STEP. Vézins ne paraît pas présenter de difficultés. Nous sommes heureux de nous retrouver dans la note de l’IRSTEA signée par Paul Royet qui donne lui-aussi un avis favorable. 7.Crues et inondations : Nous avons été effarés de voir acceptées comme « consignes d’exploitation de garder les barrages transparents pour les crues de la Sélune », négligeant de façon incompréhensible un outil efficace de protection des populations à l’aval…alors que suite aux fréquentes et périodiques inondations des rivières françaises de ces dernières années, les communes riveraines réclament vigoureusement des nouveaux barrages écrêteurs de crues… A partir des prévisions actuelles de la Météo , les modèles du SCHAPI permettent aujourd’hui une estimation fiable des débits et durées de crues à 4-5 jours d’avance …Il est donc facile dès l’annonce probable d’une forte crue (80m3/s ?), d’aménager un creux préventif, et pour protéger St Hilaire du Harcouët à l’amont et Ducey et Poilley à l’aval , au maximum par turbinage pour éviter les pertes d’eau, tout en assurant un remplissage correct grâce aux débits encore importants de la fin des crues…Là encore, la note de l’IRSTEA, signée par M. Paquier, rappelle que « le volume d’une crue centennale » est estimé à 3,5 hm3, alors que la capacité utile de Vezins est de 7hm3 », de quoi assurer une protection efficace avec une exploitation intelligente de la retenue… Au cas où une STEP de 50Mw et de 200m3/s serait construite, une plus grande souplesse d’exploitation et l’assurance contre toute perte de production électrique sera encore mieux assurée. 8.Montaison et dévalaison des saumons et anguilles : C’était loin d’être notre spécialité, mais à la demande insistante des AdB, nous avons entrepris de dessiner un « ascenseur hydraulique » aussi simple qu’économique, en profitant de la dernière conduite existante et non utilisée, avant d’apprendre qu’un ingénieur irlandais, M. Borland, avait dès 1961 équipé plusieurs barrages , dont le plus haut atteint 61m, avec une conduite écluse du même type que notre proposition…. Depuis, nous essayons d’obtenir la possibilité d’une expérimentation en vraie grandeur à RQB, puis à Vézins…ou tout simplement une mission d’experts en Ecosse et en Irlande, pour vérifier la bonne marche de ces écluses, Si c’est bien le cas, restent les remarques importantes de Louis Desloges rappelant que les pêcheurs du dimanche des carpes et autres brochets du lac, sont aussi respectables que les « pêcheurs d’élite des saumons » ou de notre Ministre sur « une dépense de 53M€ pour laisser passer quelques saumons et anguilles… » 9. La pollution des bassins versants : Là, tout le monde est d’accord ; à Vézins comme à Villerest, avec ou sans barrages, il faut d’abord commencer par combattre vigoureusement toutes les pollutions urbaines, agricoles et industrielles, changer les modes culturales, combattre l’érosion des sols, ( haies et sillons suivant les lignes de niveau comme la DRS, défense et restauration des sols, au Maghreb ou au Sahel). 10. Eutrophisation et algues vertes, cyanogènes… La dépollution des BV est une 1ère étape urgente et indispensable….mais une STEP favoriserait aussi grandement l’aération, l’homogénéisation des températures entre surface et fonds et donc refroidissement des eaux de surface et ralentissement de l’eutrophisation…. 11. Vidanges des sédiments fins : Profiter de chaque crue suffisamment importante pour les diluer à des taux admissibles et avant les travaux de consolidation du barrage qui exigeraient une vidange complète. 3 12. Sécurité pour les Centrales nucléaires de Flamanville : - l'eau douce comme ressource majeure d'intervention en cas d’accident nucléaire : un paramètre essentiel est la permanence de l’eau de refroidissement, comme l'indique le Livre Blanc Post-Fukushima remis à la Préfète de la Manche suite à la visite des experts d’AREVA, EDF, ANVDN, en décembre 2013 à FukushimaDaichi - la permanence de l'énergie électrique est également essentielle en cas d’accident comme l’ont confirmé 3- Mile Island, Tchernobyl et Fukushima. L’existence des usines hydroélectriques de la Sélune peut être un atout à cet égard - .. d'autant plus que la ligne Très Haute Tension connecte physiquement la production Sélune avec Flamanville, deux sites sous contrôle parallèle à 20 minutes d'hélicoptère. 13.Eau potable Faire des 400.000 Mm3 d’apports annuels et des 20Mm3 de retenue permanente des barrages les pièces maitresses d’un réseau d’eau interconnecté pour toute la région s’étendant de Fougères à St Brieuc. La retenue de Vézins est située à 4 km de la limite départementale Manche – Ille et Vilaine . Nous connaissions le contexte géologique de la Bretagne dont l’alimentation en eau potable est assurée aux ¾ par les eaux de surface d’où la présence de nombreux petits barrages. Les autres problématiques majeures sur les ressources bretonnes sont la qualité et les risques d’étiages. Il faut préciser qu’en 2011, année qui n’était pas particulièrement sèche, par arrêté préfectoral les étangs privés de la région de St Malo ont été réquisitionnés en secours : St Malo 50 000 habitants recensés , mais 200 000 habitants en période estivale. Suite à une proposition de Mme Nathalie Appéré Députée Maire de Rennes nous avons rencontré les responsables du Syndicat Mixte Production Bassin Rennais et du Syndicat Mixte de Gestion Ille et Vilaine. S'ils ont confirmé que leurs besoins en eau seraient probablement satisfaits à moyen terme, il demeure une interrogation à long terme en fonction des changements climatiques considérés comme inéluctables : pluviométrie plus élevée, sécheresse plus forte , variabilité des précipitations . De quelles ressources les générations futures aurontelles besoin? Ces réflexions méritent que le destin du barrage de Vézins soit sérieusement pesé avant toute décision irrévocable. 14.Suggestions pour une discussion Etat-département de la Manche 1) Ne plus minorer artificiellement la valorisation (le fonctionnement par éclusées et le rapprochement avec les EnR intermittentes conduisent à 150€/MWh) ; revenir à un niveau des lacs permettant 28GWh/an et non pas seulement 18 GWh/an. 2) Affirmation de neutralité de l’Etat : ayant repris le site, il financera le démantèlement (y compris gestion des sédiments, renaturation,…) de la même façon que l’arrêt soit en 2015 ou en 2050. Sécurisation des 53M€ prévus actuellement dans un «actif dédié » à la Caisse de Dépôts et/ou au département de la Manche. 3) Accord de principe pour la création d’une Société d’Economie Mixte Hydroélectrique telle que prévue par la loi « transition » pour piloter les 2 infrastructures. Le décret en conseil d’Etat nécessaire explicitera en outre les 2 points précédents. Il fixera également les paramètres de la « nouvelle redevance ». 4) Pérenniser le classement des 2 lacs en « masses d’eau fortement modifiées » au sens de la DCE avec fixation explicite des contraintes (poisns ; débit réservé ; qualité) ; accélération du plan de réduction des pollutions du bassin versant. Reconnaissance du fait que la faune des 2 lacs est nécessairement celle d’une MEFM. Pour sécuriser les parties prenantes ces points seront présentés à la commission européenne et intégrés dans le décret en CE ci-dessus. 5) Affirmation du maintien du soutien de l’Etat au plan proposé par les Syndicats mixtes sans le conditionner à l’arrêt de l’hydroélectricité. 6) Etude effective des développements possibles (STEP, meilleure valorisation de la réserve d’eau douce, tourisme, pêche) 7) S’il y a des contentieux, mobilisation systématique d’expertise étrangère aussi neutre que possible. 8) [Abandon] ou [Gel jusqu’à mise en œuvre des points 1 à 5] de la procédure administrative qui a donné lieu à une enquête publique en septembre 2014.

Rédigé par jojo

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