En 2016, la COP21 attend confirmation HOME ECONOMIE CONJONCTURE Par Frédéric De Monicault

Publié le 14 Janvier 2016

INTERVIEW - Christian Pierret, l'ancien ministre délégué à l'Industrie, aujourd'hui avocat associé chez August & Debouzy et qui préside le think tank Vista dédié aux questions énergétiques, illustre les attentes suscitées par la grande conférence mondiale sur le climat.

 

 

Et l'Europe dans tout cela…

Christian Pierret.

Il faut également souligner le rôle très positif de l'Union européenne qui, parlant d'une même voix, avance sans doute vers une nouvelle étape d'unification politique par le biais d'une possible politique environnementale commune. Encore faudrait-il qu'elle ait une volonté politique… Il y a également eu une prise de conscience de la dimension planétaire du problème climatique. Nous comprenons tous désormais qu'il existe un lien fort entre la paix dans le monde et les dérèglements climatiques, entre les flux migratoires, les guerres au Moyen-Orient et le réchauffement de la planète. De même, la baisse accélérée des prix du pétrole constitue un contre-signal qui n'incite pas les pays fortement consommateurs à modifier leurs comportements et leur «mix» énergétique. L'Europe pourrait ainsi ouvrir le chemin en modifiant et son mode de croissance et son mode de consommation en centrant sa stratégie sur l'efficacité énergétique (logement, bâtiments tertiaires, transport…).

Vista plaide donc farouchement pour une politique énergétique européenne commune…

Absolument, elle était d'ailleurs esquissée dans le projet de constitution européenne. C'est pour Vista un acte politique fondamental, comparable à celui qui a créé l'euro.

Que vous inspire le modèle allemand, qui prétend accélérer la demande du renouvelable au détriment des énergies traditionnelles?

Avec le renoncement, totalement idéologique, au nucléaire, l'Allemagne montre la mauvaise direction: elle augmente massivement la part du charbon et de la lignite dans la production d'électricité (45%). Elle s'oblige à construire plusieurs centaines de milliards d'euros de réseaux pour raccorder les éoliennes situées principalement au nord du pays avec les bassins de consommation industrielle situés plus au sud. C'est en fait un gâchis d'investissement et une tromperie sur la réalité d'une politique énergétique qui tourne le dos au raisonnable.

Entre le début et la fin de la COP, la perception des grands enjeux a-t-elle évolué?

La question environnementale, en dépassant les visions académiques, voire théoriques, a gagné en densité d'analyse et en pragmatisme de proposition. Débats et positions ont pris de la distance vis-à-vis du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). La perception du dérèglement climatique a changé. La réalité des catastrophes climatiques alliées aux initiatives et aux investissements du secteur privé ont contribué à l'émergence de propositions concrètes et innovantes.

À la lumière des travaux de la conférence, qui sont les premiers responsables du réchauffement climatique?

Les responsabilités sont désormais clairement identifiées; la production énergétique n'est pas la seule à transformer notre environnement, mais aussi les modes de vie (transports, logements) et de consommation (alimentation…). Voilà l'un des grands changements de paradigme qu'a apporté la COP21. La prise de conscience est universelle et touche aussi bien le producteur rural que le consommateur urbain, les pays les moins avancés que les grandes puissances industrielles. Pour Vista, le sujet n'est ici plus d'opposer, comme c'est trop souvent le cas en France, les énergies renouvelables et lenucléaire en excluant toutes les énergies fossiles, mais de trouver la combinaison la plus adaptée et raisonnable en tenant compte des particularités nationales ou régionales. En l'occurrence, nucléaire et renouvelable sont parfaitement complémentaires. Telle est la condition pour mettre en place une décarbonation de la croissance économique. C'est le nouveau paradigme qui doit être pris en compte et qui va se substituer aux problématiques énergétiques fossiles.

Plusieurs grandes puissances étaient réunies autour de la table. Se sont-elles affrontées ou ont-elles uni leurs efforts?

Il ne faut pas négliger l'intégration des logiques géostratégiques dans les négociations de Paris sur le climat. La dimension géopolitique des énergies fossiles, que ce soit par exemple en Russie, dans les pays du Golfe ou en Afrique, est aujourd'hui pleinement intégrée. L'Opep elle-même a compris les nécessaires évolutions énergétiques, et se retrouve en plein paradoxe. Le prix bas du pétrole révèle la prise de conscience par les pays producteurs que les énergies fossiles ne représentent plus l'avenir, et qu'il faut par conséquence en diminuer le prix pour en garantir la consommation. Cette baisse des prix permet, en parallèle, aux États de mettre en place des correctifs fiscaux pour contribuer à financer la transition énergétique sans alourdir les comptes publiques.

La COP fixe le cap à suivre mais comment financer les chantiers qui permettront de lutter efficacement contre le réchauffement climatique?

C'est vraisemblablement le point décisif de la COP21, l'approche financière de la question climatique a changé. Nous sommes passés d'une logique purement étatique à la prise de conscience que la participation du secteur privé est essentielle pour dégager les fonds nécessaires qui aideront à faire la différence. L'implication d'investisseurs financiers, comme par exemple les fonds de pension, permettrait de résoudre une partie des besoins de financement de la transition énergétique, tout en montrant que cette dernière peut être économiquement rentable. Le mariage entre les correctifs fiscaux et réglementaires des États et l'engagement volontaire et massif du secteur privé est la seule voie pour donner naissance à l'indispensable révolution dont la COP21 ouvre aujourd'hui les portes.

Rédigé par jojo

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