Philippe Vesseron a partagé un lien.

Publié le 27 Mai 2019

Philippe Vesseron a partagé un lien.

La volonté de l’Etat d’accélérer les démolitions sur le barrage de Vezins (Manche) a été fortement illustrée par la destruction complète et rapide de la « maison des directeurs » puis par la perforation de la base de la structure de l’ouvrage. Tout ceci est bien entendu immédiatement photographié et fait l’objet de commentaires mis en ligne quasiment en temps réel. Beaucoup expriment leur tristesse du paysage laissé par la disparition actuelle du grand lac, protestent contre le gâchis de la destruction d’un patrimoine ou, à l’inverse, qualifient de simples passéistes ceux qui dénoncent la suppression du barrage.
Je reste extrêmement inquiet du silence maintenu sur le rôle de régulation des débits (crues et soutien d’étiage) rempli depuis un siècle par ce barrage : par quoi l’Etat propriétaire du site remplacera-t-il cette double fonction ? Un retour au régime de petites crues et d’inondations tous les deux ou cinq ans comme au XIXème siècle aurait vite des conséquences rudes pour l’emploi puisque c’est surtout dans la basse vallée que se sont développées ou installées les activités. L’augmentation de ce risque du fait de la suppression de l’ouvrage devrait motiver la réalisation de modifications des habitations, commerces , équipements,… pour en améliorer la résilience, ce qui n’est pas gratuit et peut prendre quelques semestres. Ne pas engager rapidement de telles actions pourrait entraîner des coûts redoutables si au printemps 2020 ou 2021 une « crue biennale » entraînait dans la basse vallée des inondations avec des conséquences économiques et sociales forcément peu acceptables.
Ce silence a certainement plusieurs causes :
- Pour ceux qui militent pour le maintien du barrage et du lac, chercher des réponses alternatives pour les crues serait perçu comme une acceptation du scénario de suppression
- On a fait dire par plusieurs ministres que la suppression du barrage serait sans impact sur le risque de crue, ce qui est sans doute vrai pour les crues centennales mais manifestement faux pour les petites crues : difficile de changer de discours même si cet aspect du dossier a été qualifié d’un lapidaire « peu convaincant » par les Inspections Générales en 2015
- La régulation des crues et des étiages depuis un siècle repose sur des règles de gestion, des moyens de prévision et des décisions arbitrant entre des objectifs contradictoires : il y a eu des cas d’échec mais personne ne souhaite trop les commenter
- S’il n’y a pas de risque d’inondation biennale ou quinquennale, on se bornera à faire un PPRI (servitude correspondant à la crue centennale) et à l’exercice « normal » de la compétence GEMAPI – à l’inverse, s’il y a retour du risque, il faut des financements pour engager les travaux « alternatifs » de renforcement ou relocalisation de ce qui a été implanté dans les zones qui redeviendront inondables : il serait forcément peu acceptable pour les différentes parties prenantes que l’Etat s’exonère du financement de cette dimension qui doit faire partie intégrante de son projet.
Ces 4 raisons me paraissent constituer l’essentiel de l’explication du « silence sur le risque des petites crues » : le fait que les élections européennes soient derrière nous devrait permettre de corriger le discours erroné affirmant que la suppression en cours n’aurait pas d’impact sur le risque d’inondation et d’en assumer les conséquences. Mais cette correction est urgente, une crue biennale pouvant maintenant avoir des retombées rudes à tous points de vue.

Rédigé par jojo

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