Nos sentiments sur la décision d’araser les barrages de Vezins et de la Roche Qui Boit.

Publié le 18 Mars 2014

Messieurs,

 

Vous nous donnez la possibilité de vous faire part de nos sentiments sur la décision d’araser les barrages de Vezins et de la Roche Qui Boit. Je profite de cette occasion pour vous exprimer ma plus vive déception sur cette volonté d’araser à tout prix ces deux ouvrages. Théoriquement, il va s’agir d’une première mondiale, l’Etat souhaite que ce soit un projet exemplaire. Le tout devra être adopté et partagé par la population locale. Le fondement de cette décision est l’interprétation abusive d’une directive européenne. En effet, l’arasement n’est pas une obligation pour assurer la continuité écologique du cours d’eau et pour ne pas nuire à la remontée des poissons migrateurs (saumons, aloses et anguilles). Des solutions existent mais ….

En cette période de crise économique « profonde », il apparait, aux yeux du public, une hérésie de vouloir « gaspiller » des millions d’euros pour une hypothétique augmentation de la population du saumon atlantique sur ce cours d’eau. L’homme, vivant dans la vallée de la Sélune, est vulgairement mis de côté ! Le chômage grandit de jour en jour et l’on annonce qu’une enveloppe de 10 Millions d’Euros est débloquée pour la mise en œuvre de cette décision ! Des personnes deviendront chômeurs grâce à la disparition des barrages, et de surcroît,  c’est avec leurs impôts que l’on fait perdre leur travail ! N’y a-t-il pas un manque d’exemplarité ??? 10 millions d’Euros c’est 582 années de salaire brut payé au SMIC …. Comment voulez-vous que la population locale puisse s’approprier un tel projet qu’elle ne partage pas et surtout qu’elle n’a pas voulu !

Il est en de même quant à la budgétisation de ce projet, 10 millions d’Euros alors qu’il y a quelques années, le cabinet SEPIA avait estimé un budget largement supérieur (env. 290 Millions d’Euros) et sans retraitement des boues. Il est fort probable que ce montant ne soit pas respecté. Par conséquent, 2 options se présenteront : soit une augmentation des impôts locaux pour financer le différentiel soit un projet non finalisé, laissant une vallée à l’abandon. Le plan de financement est quelque peu opaque pour les néophytes que nous sommes, l’agence de l’eau se dit prête à apporter son aide au financement de cette opération dans des proportions importantes puis minimise ensuite son implication. Outre ce point, il est inquiétant de ne pas savoir quels sont les plans d’accompagnements prévus pour la Mazure, les mesures compensatoires liées à la dépréciation des biens immobiliers des particuliers et pour les personnes qui subiront le chômage (plan de reconversion, indemnités, etc.…). De plus, il faudra plusieurs années pour que la vallée puisse être à nouveau accessible, qu’avez-vous prévu pour financer le manque de revenu de l’industrie du tourisme (les gîtes, la Mazure, etc.…)

Outre les aspects scabreux du plan de financement, cette décision est une ineptie car, contrairement, à la communication valorisant cet arasement, elle est à charge et unilatérale. Des solutions existent, elles vous ont été proposées par l’intermédiaire des études menées par l’Ingénieur Mr WONG. Mais l’intransigeance aveugle de vos services  n’a même pas daigné analyser les propositions moins onéreuses et surtout répondant à tous les maux des barrages pour respecter cette « fameuse » directive européenne.

En premier lieu, on accuse, à tort, les barrages d’appauvrir la qualité de l’eau par la stagnation de cette dernière. Malheureusement, le problème se situe en amont, sur le

 

bassin versant où l’agriculture intensive depuis des décennies et les stations d’épuration non conformes aux normes actuelles contribuent  fortement à la dégradation de la qualité de l’eau. Les nitrates, les phosphates, l’asséchement des zones humides, le remembrement  sont les vraies causes. Votre projet n’a pas le courage de s’attaquer aux sources réelles de pollution. Aucune proposition n’a été abordée pour apporter des améliorations sensibles.  Araser les barrages ne changera rien à cette situation écologique médiocre, ce sera pire car l’effet décanteur de ces derniers n’aura plus d’effets bénéfiques sur la partie aval. La Sélune étant fortement sujette à l’étiage, la concentration  de polluants dégradera encore plus la situation. Comme vous le savez certainement, le saumon recherche une eau de bonne qualité pour sa reproduction. Dans les propositions qui vous ont été soumises, les STEP contribuent à améliorer la qualité de l’eau….  aucune remarque de vos services….

La quantité importante de sédiments stockés au sein des retenues est une donnée essentielle dans l’étude de l’arasement des barrages. Malgré votre communication auprès de la population locale, les moyens mis en œuvre sont largement insuffisants pour être exemplaires. Outre la localisation des sédiments pollués sur l’embouchure de l’Yvrande et la mise en place en place d’une digue de retenue des boues dites « dangereuses », les phénomènes météorologiques telles que les pluies, les tempêtes seront des vecteurs de poursuite de la lente pollution de la Sélune. Chaque averse apportera sa quantité de sédiments dans la Sélune et la Baie du Mont St Michel. Les apports réguliers en matières sédimentaires aggraveront et annihileront lentement les objectifs attendus à savoir l’amélioration de la qualité de l’eau et favoriser la remontée des poissons migrateurs. C’est sans compter les effets pervers sur l’écosystème de la Baie. Les risques sanitaires de ces sédiments pollués sont sous-estimés, recouvrir des sédiments contenant de fortes doses de métaux lourds par des moins dangereux, est-ce une bonne solution et surtout viable dans le temps ? Le principe de précaution exigerait des mesures plus drastiques pour réduire les risques de ces déchets polluants sur la population locale,  peut-être est-ce une question de coût ? L’exemplarité a un prix qu’il est parfois difficile de respecter …

Comme le stipule l’étude menée par le cabinet SEPIA, l’année correspondante à la vidange du Barrage est synonyme de la raréfaction des remontées de saumons, dû à la dégradation de la qualité l’eau par l’apport de quantités importantes de sédiments. Après la remise en eau des barrages et la reprise de leurs « effets décanteurs », les statistiques remontent après 3 années de piètres résultats. Avez-vous imaginé la projection des remontées de saumons dans la Sélune après la disparition des barrages ? Vous ne pouvez pas ignorer que les sédiments seront toujours présents en quantité importantes dans l’eau de la Sélune … Cela ne va-t-il pas l’encontre des  attentes de ce projet ??? Vous disposez d’un contre-exemple dans la même région du Sud Manche : la Sée. Ce fleuve ne comporte pas de barrages hydroélectriques, nuisant à la migration des poissons tels que le saumon. Néanmoins, il est regrettable de constater une dégradation de la qualité de l’eau et par conséquent, une raréfaction de poissons migrateurs y compris l’anguille et le saumon. Le patrimoine en salmonidés autochtones (truites farios) se réduit  d’années en années notamment par le colmatage des frayères. Celles-ci ne font que subir les effets néfastes de l’agriculture intensive (culture du maïs, remembrement, etc.…). Ces affirmations ne sont que le malheureux constat de plus 25 années de pratique de la pêche sportive sur cette rivière.

Une donnée sous-estimée et régulièrement relevée par les maires de Ducey et de Poilley concerne les risques d’inondations. Même si la vocation première des barrages n’est pas

 

écrêté les crues, ils limitent fortement les conséquences sur l’aval. La « basse vallée » de la Sélune est impactée par les marées, le  barrage de Vezins, grâce à l’abaissement de sa cote, peut décaler de quelques heures l’arrivée d’une quantité importante d’eau. Associé avec une marée descendante, les effets néfastes sont limités. Les études menées sur les risques d’inondations minimisent les réelles conséquences. Il est à noter que cette année, Ducey a été inondé malgré la présence des barrages … Les élus locaux concernés vous ont, à maintes reprises, alertés sur ce point car les enjeux sont majeurs pour notre région : l’industrie (Chereau et la Fromagerie) et les biens immobiliers. Votre réponse se limite à une augmentation de 10 cm du niveau durant les périodes de fortes précipitations. Quel est l’avenir des pôles industriels s’ils subissent des crues à répétition synonymes de pertes d’exploitation et de dommages sur l’outil de production ? Que dire de la dépréciation des biens immobiliers régulièrement inondés ? Avez-vous prévu des mesures compensatoires à défaut de solutions ??    Quel sera la teneur de votre discours si un tel risque devenait régulièrement réalité ? Des excuses, personne ne les acceptera ….

Une autre contradiction de cette décision réside dans la promotion des énergies propres (sans rejets de CO2) et durables, l’hydroélectricité est un exemple mis en avant par le ministère de l’Ecologie. Ce vœu pieux est contredit par la suppression des barrages. On leur reproche leur faible production. Certes, mais quelques investissements de modernisation pourraient remédier à cette lacune. Lors des pics de consommation électrique, leur apport est immédiat et non négligeable. Cela ne fait qu’accentuer la difficulté de la population d’adhérer à votre projet exemplaire. Une autre source de trouble est la disparition d’une réserve importante d’eau potable. Celle-ci ne pourra pas être compensée par les faibles ressources naturelles représentées par les nappes phréatiques. Elles sont insuffisantes en quantités et surtout impropres à la consommation humaine (fort taux de nitrates). Contrairement aux annonces martelant que le coût de l’eau potable n’augmentera pas, personne n’est dupe, il s’agit que d’un compte à rebours ! Les moyens compensatoires ne remplacent pas à quantité égale la situation actuelle. Encore une explication sur les doutes que soulèvent votre projet exemplaire …. 

La disparition des lacs ne sera pas compensée par des aménagements sur la Sélune ou la création de plans d’eau pour la pratique de la pêche sportive en deuxième catégorie. Sans aucune impunité, on retire à 99 % des pêcheurs,  payant leurs cotisations halieutiques, leur terrain de jeu unique dans le grand ouest. Cela ayant pour but de satisfaire moins de 1 % de la population totale des pêcheurs, il s’agit d’une pratique élitiste ! Le nombre d’adhérents baissent chaque année alors que les parcours privés fleurissent u peu partout sur le territoire français. Il s’agit tout simplement de la traduction des attentes des pêcheurs actuels, ils ne trouvent pas de satisfaction dans le domaine public, trop contraignant. Cette mesure aggravera ce triste théâtre !! Etant pêcheur de carpes, nous respectons nos prises en pratiquant le « no kill », le but étant que notre adversaire regagne son élément dans les meilleures conditions. A l’issue de la dernière réunion d’information du 21/02/2014, aucune solution n’a été prévue, lors de l’effacement des barrages, pour sauver la faune piscicole. La vallée sera un équarrissage à ciel ouvert ! Encore une mesure exemplaire ….

 

A mon humble avis, le plus regrettable dans la gestion de ce dossier est l’absence d’écoute et de dialogue avec les représentants de la population locale. A de nombreuses occasions, les différents ministres de l’écologie ont été interpellés sur la nécessité d’entendre les

 

remarques et les incompréhensions de la population locale. La seule réponse apportée a été votre intransigeance assimilé à du mépris vis-à-vis des habitants concernés. Leur habituel silence n’est pas synonyme d’adhésion bien au contraire ! Mais leurs vecteurs de communications que sont leurs élus locaux n’ont pas été entendus, donc, c’est avec indignation que nombreux de nos concitoyens s’avouent déçus d’une décision qu’ils n’ont pas voulue et qu’on leur impose. Cette précipitation, associée à une idéologie écologique provoquent une incompréhension totale de l’exemplarité de ce projet (de surcroît pour une première mondiale !!)

Pour conclure, les barrages sont assimilés au patrimoine local, nombreux d’entre nous ont un partie de leurs souvenirs liés à ces ouvrages. Plusieurs générations se sont succédées aux bords des lacs, de belles histoires se sont écrites grâce à ces retenues. Leur disparition effacera définitivement une partie de nos histoires respectives ….. Ces ouvrages uniques, fiertés de nos aïeuls et de son concepteur Mr CAQUOT, ne seront plus qu’un vague souvenir où l’homme avait encore un peu de bon sens….

 

Veuillez agréer, Messieurs, mes salutations et ma plus grande déception.

 

C.BAILLEUL

Rédigé par jojo

Publié dans #Nos actions-Nos manifestations

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