Un rapport du Sénat dénonce la sous-évaluation des risques liés aux pesticides

Publié le 26 Octobre 2012

Un rapport du Sénat dénonce la sous-évaluation des risques liés aux pesticides

Les risques des pesticides pour la santé sont sous-évalués. C'est le constat opéré par la mission commune d'information sur les pesticides du Sénat. A la clé, une centaine de recommandations.

La mission commune d'information sur les pesticides et leur impact sur la santé, présidée par Sophie Primas (UMP – Yvelines) et dont le rapporteur est Nicole Bonnefoy (Soc. – Charente), a rendu public aujourd'hui son rapport sur les pesticides et la santé. La mission, constituée de 27 sénateurs représentant tous les groupes politiques, a procédé à 95 auditions et entendu 205 personnes. "Nous avons fait fi des a priori", estime Sophie Primas pour aboutir à un "rapport équilibré". Une étude votée à l'unanimité, qui propose une centaine de recommandations qui vont d'un contrôle de validité des autorisations de mise sur le marché à une modification des pratiques agricoles, en passant par une meilleure prévention des risques d'exposition professionnelle.

Une certaine "omerta" dans le secteur agricole

Que dit ce rapport ? Il fait le constat d'une situation peu satisfaisante. Premièrement, les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont sous-évalués. Sophie Primas parle d'une certaine "omerta" ou, tout du moins, d'une non-prise de conscience qui régnait dans le monde agricole mais qui est en train de se lever. Nicole Bonnefoy se dit d'ailleurs frappée par le contraste entre les précautions prises par les industriels qui fabriquent ces substances et la réalité des pratiques agricoles.

Conçues après la Seconde Guerre mondiale dans une logique productiviste, "les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles n'intègrent pas suffisamment la préoccupation de l'innocuité pour la santé du recours aux pesticides", analyse la sénatrice socialiste.

Contrôler la validité des AMM au bout de cinq ans

"Le suivi des produits après leur mise sur le marché n'est qu'imparfaitement assuré au regard de leurs impacts sanitaires réels et les effets des perturbateurs endocriniens sont mal pris en compte", ajoute Nicole Bonnefoy. D'où la proposition de contrôler la validité des autorisations de mises sur le marché (AMM) au bout de cinq ans, à partir d'un rapport d'étape réalisé par un laboratoire choisi par l'Anses et financé par le fabricant.

Le sénateur Henri Tandonnet (UDI – Lot-et-Garonne) a pointé, quant à lui, les disparités dans les législations UE et hors UE, mais aussi au sein même de l'Europe, qui sont à la source de fraudes. Résultats : "il n'y a pas de garantie pour le consommateur sur les produits traités par des pesticides", dénonce-t-il. En bref, des produits agricoles sont commercialisés en France alors qu'ils ont été traités dans d'autres pays avec des pesticides interdits dans l'Hexagone. D'où la nécessité d'harmoniser les procédures d'AMM entre Etats européens et de renforcer la coopération transfrontalière contre la fraude.

La mission préconise également de rendre publiques les études sur la santé, notamment celles précédant une AMM. "Seuls des tests sur les effets à long terme sur la santé de l'ensemble des substances contenues dans un produit et sur les effets synergiques, ou cocktails, peuvent assurer une évaluation complète", précise Nicole Bonnefoy.

Améliorer la protection contres les pesticides

La mission a également constaté que les protections contre les pesticides n'étaient pas à la hauteur des risques. D'où plusieurs recommandations portant sur les équipements de protection individuelle (EPI), comme la conception conjointe du pesticide et de l'EPI correspondant.

Le rapport propose également de formuler les produits sous forme liquide plutôt qu'en poudre, d'améliorer leur conditionnement et d'instaurer la tenue d'un registre des expositions professionnelles tant dans les usines de fabrication que dans les exploitations agricoles. Gérard Le Cam (CRC – Côtes d'Armor) pointe, quant à lui, les problèmes de santé que peuvent rencontrer les salariés des sites de stockage de grains.

Plusieurs recommandations du rapport visent d'ailleurs à améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles. Une revendication qui est d'ailleurs à l'origine de la création de la mission d'information, sensibilisée par le combat de Paul François, agriculteur charentais victime d'un herbicide.

Réorienter l'agriculture, renforcer la formation et la recherche

Dernier constat, celui de la nécessité de renforcer le plan Ecophyto. Alors qu'il vise à réduire de 50% la quantité de pesticides utilisés en France à l'horizon 2018, l'utilisation de pesticides a augmenté de 2,5% en 2011. Pour remédier à cela, la sénatrice Bernadette Bourzai (Soc. – Corrèze) préconise d'accélérer la mise en place des outils existants mais aussi, plus novateur, de cibler les régions et les secteurs de production les plus consommateurs, c'est-à-dire les vignes, l'arboriculture et les cultures maraîchères.

Parmi les recommandations, on peut noter les suivantes : ne traiter que les zones infectées des cultures, mettre fin aux dérogations à l'interdiction d'épandage aérien des pesticides, mais aussi… une disposition relative aux cahiers des charges de l'agro-alimentaire qui prévoirait que "toute clause relative à la liste et aux quantités des pesticides à utiliser [serait] réputée non écrite".

Chantier de plus long terme, il s'agit plus fondamentalement de réorienter l'agriculture : respect des principes de base de l'agronomie, diversification des cultures, maintien de la qualité des sols, agroforesterie, rotations des cultures, cultures bio, recours aux préparations naturelles peu préoccupantes(PNPP)…

Sophie Primas a également souligné "la nécessité de renforcer la formation et la recherche". Formation initiale au sein de tous les établissements d'enseignement agricole mais aussi formation continue, à travers un financement pérenne de la formation Certiphyto et le développement des travaux pratiques au sein de celle-ci. L'effort doit aussi porter sur la formation d'agronomes, entomologistes et toxicologues afin de "mieux évaluer les risques, d'orienter les travaux vers la recherche de produits de substitution (bio contrôle par ex.), les méthodes alternatives, et (…) de mener des travaux en matière de sélection variétale en collaboration avec le privé".

La hiérarchisation des actions en question

Face à la centaine de propositions formulées par la mission, la question de la hiérarchisation des actions et de leur mise en œuvre se pose légitimement. "Le rapport fera l'objet d'un débat en séance plénière en janvier 2013", souligne Nicole Bonnefoy. Mais les sénateurs souhaitent également faire avancer ces propositions à travers leur travail parlementaire : amendements, propositions de lois, questions écrites ou orales…

Et de citer parmi les actions pouvant être mises en œuvre à court terme : faire sauter le plafond d'emploi appliqué à l'Anses de manière à ce qu'elle puisse recruter les experts nécessaires, mutualiser les données épidémiologiques actuellement éclatées entre différents acteurs (MSAInVS, centres anti-poisons, registres du cancer, etc.), ou encore, pour les collectivités locales, ne plus utiliser de pesticides dans les espaces publics comme le préconise Joël Labbé (EELV – Côtes d'Armor).

Henri Tadonnet a également évoqué l'instauration d'une action collective dans le domaine de la santé comme le prévoit le projet de loi "consommation" qui doit être discuté au printemps 2013. Cette procédure serait adaptée aux victimes des produits phytosanitaires, estime le sénateur, compte tenu de la complexité des produits et du coût des expertises nécessaires. Enfin, la notion de "préjudice d'angoisse" en cas de risque de contamination lié à l'exposition professionnelle à des pesticides pourrait également être inscrit dans la loi.

Rédigé par jojo

Publié dans #arasement pollution

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