Publié le 25 Avril 2019
Le rapport de l’enquête publique sur le projet de PPRI de la Sélune vient d’être publié et je souhaite exprimer immédiatement les premières réflexions personnelles qu’il appelle de ma part.
Le rapport n’échappe pas à une contradiction dont j’ai dit les dangers à plusieurs reprises: parle-t-on responsabilités de l’Etat pour définir des servitudes d’urbanisme adaptées aux conséquences d’une crue centennale ou parle-t-on des responsabilités de l’Etat propriétaire d’une infrastructure qui assure « accessoirement » depuis un siècle la fonction d’ouvrage de protection contre les crues biennales et quinquennales ? Dans le premier cas, l’Etat va imposer des servitudes « non indemnisées » alors que dans le second personne n’imagine qu’il se dispense de prévenir ou compenser les conséquences qu’aura une destruction du barrage pour les habitants, commerces, activités, …, implantés dans la basse vallée avant ou après 1920.
On réaffirme à plusieurs reprises que l’objet du PPRI porte uniquement comme il est classique sur la « crue centennale » et que la décision de suppression du barrage n’a pas à être discutée à cette occasion – et en même temps on écrit « Le PPRI établit une stratégie d’urbanisme de prévention des inondations basée sur l’aléa centennal, qui est donc inclusive des petites crues (sic !) » Pourtant, chacun sait que des inondations de quelques décimètres ont des conséquences bien plus graves (sur la vie des habitants, la valeur des immeubles , le maintien des emplois ou le tarif des assurances) si elles se produisent tous les deux ans et non pas tous les siècles.
Bref, le PPRI risque bien de servir d’alibi pour ne pas répondre aux questions posées par les « petites crues » que la suppression du barrage ferait revenir à peu près comme elles étaient avant 1920. Les risques dans la basse vallée associés à ces petites crues appelleraient des actions de modification des constructions et équipements, des relocalisations, des mesures sociales, ... dont le financement serait à inclure d’urgence dans le budget de l’opération !
Cette conséquence n’a pas été exposée aux ministres successifs qui sont intervenus dans cette affaire, l’accent ayant systématiquement été mis sur les inondations provoquées à différentes reprises par des fautes de gestion (par exemple en 2000 à l’amont du lac) mais aussi sur de mauvais arguments comme le fait que la motivation de la création de ces barrages était l’hydroélectricité et non la régulation des crues ou comme l’absence de démonstration des conséquences à anticiper en termes d’inondation à l’aval. Ces « mauvais arguments » sont directement contredits par les images anciennes et coupures de presse réunies et partagées par des ONG (Voir aussi Ronan Leclair in https://selune.hypotheses.org/741 ) . Tout ceci est d’autant plus choquant que ce qui est à nouveau mis en avant en 2019 est le jeu d’études de 2012 /2013 que les inspections générales (CGEDD et CGE) qualifiaient en mars 2015 de « peu convaincantes » :
""Bien qu'il soit probable que l'effet des retenues telles que gérées actuellement soit très limité pour les crues décennales et centennales, l'étude produite apparaît peu convaincante. L'identification des zones de débordement selon différentes hypothèses n'a été réalisée que pour l'aléa centennal, et il n'est pas étonnant que la population et les élus attribuent aux barrages un rôle de protection sans doute excessif. Il est tout aussi plausible que les barrages puissent jouer un rôle positif pour les « petites crues », qui ne présentent pas d'enjeu fort en termes de sécurité, mais qui représentent un vécu plus immédiat. La question de savoir quelle est l'occupation des zones de débordement, habitations, voiries, terres agricoles, etc, est également importante.
La mission recommande aux autorités compétentes de préciser les points qui ont trait aux inondations quelle que soit la décision prise in fine concernant le démantèlement des ouvrages, et que les populations soient clairement informées.""
L’oubli de ces recommandations sera difficile à expliquer ! En tout cas, ne pas mettre en œuvre immédiatement les possibilités de renforcement de la résistance aux petites crues conduirait forcément à des difficultés graves pour l’ensemble des décideurs si des inondations « biennales » devaient se produire dans les 2 ans suivant le démontage des équipements électriques et mécaniques de Vezins, s’il est confirmé par l’Etat et les juridictions.
http://www.manche.gouv.fr/…/PPRI%20S%C3%A9lune%20RAPPORT-1.…